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La gratuité, une bonne idée ?

La question de la gratuité dans les transports collectifs se retrouve en cette fin d’année 2019 au cœur de nombreux débats et discussions. Avec l’échéance des municipales de 2020, l’idée a de quoi séduire. Il convient pour autant pour les Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) désireuses de passer à la gratuité sur leur réseau de transports d’avoir une réflexion globale sur les impacts politiques, sociaux, financiers et environnementaux d’un telle politique, le retour en arrière étant difficilement envisageable.

Aujourd’hui, 29 AOM ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sur les 330 présentes sur territoire français ont choisi la gratuité sur tout (22 AOM) ou partie (7 AOM) de leur réseau. Deux autres AOM rejoindront le « club gratuité » d’ici janvier 2020 ; Cahors (2 novembre 2019) et Calais (1er Janvier 2020). Ces réseaux ont plusieurs caractéristiques communes :

  • Réseau de petite taille (moins de 50.000 habitants pour la plupart) ;
  • Absence de mode lourd (excepté Aubagne), le besoin de financement (investissement / fonctionnement) pour un réseau comportant des modes lourds étant beaucoup plus important ;
  • Recettes commerciales issues de la vente des titres de transport faibles (≈10%) ;
  • Forte dépendance à la voiture individuelle.

L’usager, quant à lui, reste favorable à la gratuité d’autant qu’il ne connait que très peu le système de financement des transports publics. L’enquête IPSOS sur « les mobilités du quotidien dans les régions françaises » présenté le 30 septembre à l’occasion du congrès Région de France est sans appel : les usagers sous-estiment le coût du reste à charge des transports, déduction faite du prix du ticket/abonnement qu’ils règlent de leur poche, près de 75% des personnes interrogées pensent que les billets et abonnements couvrent 50% ou plus du coût des voyages.

Ipsos – Enquête sur la mobilité du quotidien dans les régions françaises – Transdev, septembre 2019

En revanche, la consultation en ligne lancée par le Sénat démontre que 63% des usagers préfèreraient bénéficier d’une offre de transport payante mais plus développée (fréquence, amplitude, …) plutôt que de bénéficier des transports gratuits (37%).

Transports collectifs: la gratuité à quel prix ? (synthèse Rapport parlementaire 25/09/2019)

La problématique environnementale revient souvent dans les discours « pro gratuité ». Bien que sur le papier l’idée soit défendable, en réalité l’impact environnemental n’est pas encore démontré. Le report modal voiture / TC n’est pas dimensionnant. A l’inverse, plusieurs études affirment qu’une partie importante du report modal se fait au détriment des mobilités actives, ce qui va à l’encontre des politiques environnementales, mais aussi de santé.

La position de Trans-Missions (pouvant se résumer à travers le graphique ci-après) se rapproche naturellement de celles des institutions comme la FNAUT, la FNTV ou encore le GART. Sauf dans des cas très précis, par exemple pour relancer une offre méconnue (le cas fameux de Hasselt), la gratuité n’est pas compatible avec une politique de transport volontariste, puisque par définition la gestion et l’exploitation d’un réseau de transport à un coût qui, s’il n’est pas en partie supporté par l’usager lui-même, sera répercuté sur les impôts des citoyens et des entreprises. Une telle répercussion a ses limites, si la gratuité mène à une augmentation significative de la fréquentation, les ressources pour développer l’offre risqueront d’être difficiles à trouver.

Analyse AFOM Gratuité TC, Trans-Missions (Thibault Rapenne)

La gratuité doit, si elle est décidée, reposer sur une politique globale de mobilité (rabattement, stationnement, multimodalité, intermodalité) qui soit durable à long terme. Nous pouvons cependant raisonnablement réfléchir à une alternative au tout gratuit reposant sur :

  • Une tarification selon le quotient familial ;
  • Une gratuité pour certaines catégories sociales (jeunes, étudiants, retraités, chômeurs) ;
  • Une gratuité ponctuelle (lors de pics de pollution par exemple) ;
  • Une gratuité sur certains types de services de transports (événements exceptionnels, P+R, PMR, navettes centre ville…) ;
  • une véritable offre cadencée et continue sur une large amplitude et 7/7.

 

Auteur

Portrait RA

Thibault Rapenne

Date

14 octobre 2019

Catégorie(s)

Articles parus

Thématique(s)

Renouvellement de contrats urbains