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SERM-Des services équivalents aux RER franciliens existent dans de nombreux pays d’Europe, notamment à Stockholm

Quels coûts d’exploitation pour les futurs SERM ?

Les SERM, des projets de renforcement du service ferroviaire

Le ministère des Transports définit ainsi les SERM[1] :

  • « Un Service Express Régional Métropolitain (SERM) (initialement appelé “RER métropolitain”) est une offre de mobilité fiable, fréquente et facile à utiliser, au service des habitants de périphérie des métropoles. »
  • « Son objectif est d’améliorer la desserte entre une ville centre et sa zone périurbaine en renforçant l’offre ferroviaire, et en la complétant si nécessaire par d’autres modes. »

On peut paraphraser cette définition en retenant deux grandes idées. (1) Les projets de SERM sont tout d’abord des projets de développement des services de transport et non de l’infrastructure. (2) Le mode ferroviaire constitue l’épine dorsale de ce renforcement de l’offre. Les autres modes ne viennent qu’en complément.

Un débat se concentrant sur les coûts d’investissements

Les SERM sont donc en premier lieu des projets de service. Paradoxalement, le débat sur le coût de ces projets se focalise sur le coût d’investissement.

En juillet 2022, lors d’un échange avec des journalistes, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou avait estimé l’investissement nécessaire au développement des SERM à 13 milliards d’euros[2]. En décembre 2022, le Conseil d’Orientation des infrastructures a évalué le besoin d’investissement entre 15 à 20 milliards d’euros[3].

En revanche, des estimations similaires du coût de fonctionnement des futurs SERM n’existent pas à notre connaissance. Or, la soutenabilité de ce coût de fonctionnement est un enjeu crucial pour les collectivités qui les financent.

C’est en particulier le cas du SERM de Strasbourg. L’Eurométropole et la Région Grand Est se sont accordées pour les trois premières années de fonctionnement du Réseau Express Métropolitain Européen (REME), mais pas au-delà. Lors de colloque « SERM : des enjeux stratégiques et de gouvernance au service de l’intermodalité »[4], Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole a souligné que le financement du fonctionnement au-delà de cet horizon n’est pas bouclé.

Comment estimer les coûts de fonctionnements ?

Estimer précisément le coût de fonctionnement cumulé de l’ensemble des projets de SERM n’est pas une entreprise réalisable. Les contours précis des futurs services restent encore inconnus, tout comme la part respective des différents modes de transports, le matériel roulant employé, l’opérateur en charge de l’exploitation…

Néanmoins, on peut estimer un ordre de grandeur des futurs coûts de fonctionnement, en commençant par leur volet ferroviaire. L’objectif de cette évaluation n’est pas de fournir une prévision au millier ou au million d’euros près. Plus modestement, nous souhaitons estimer si ce coût est de l’ordre de dizaines de millions, de centaines de millions ou de milliards d’euros annuels.

En partant d’un principe simple: le coût total d’un service se calcule en multipliant un coût unitaire par une quantité. Dans le transport ferroviaire, l’unité généralement retenue est le train.km[5]. Il s’agit donc d’estimer :

  • Le nombre de trains-km supplémentaires engendrés par les SERM ;
  • Le coût moyen d’un train-km de SERM.

Combien de trains-km supplémentaires engendrés par les SERM ?

En 2022, selon les données de l’Autorité de Régulation des Transports[6], les Régions françaises commandaient 192 millions de trains-km. Mais quelle est l’importance de ces trains-km en métropole ?

Différents types de services peuvent être estimés au sein des TER:

  • Des TER qui relient des métropoles entre elles ou des villes moyennes avec des métropoles ;
  • Des TER qui desservent la périphérie d’une métropole ;
  • Des dessertes plus rurales.

Pour refléter cette diversité, SNCF Voyageurs a mis en place en 2019 une segmentation de son offre TER en classant ceux-ci en trois catégories : CITI, KRONO et PROXI.

Segmentation des TER SNCF KRONO, CITI, PROXI

Segmentation trains offre TER

Source : SNCF

Lors d’un atelier de travail organisé par l’association Objectifs RER Métropolitains, SNCF Voyageurs a fourni la part des trains-km de chacune des catégories : 47 % pour les CITI, 24 % pour les Krono et 29 % pour les PROXI. Les TER CITI correspondent approximativement aux services susceptibles d’être inclus dans des SERM.

On peut supposer que l’offre SERM augmentera très sensiblement, de l’ordre de 50 % à court terme et 100 % à long terme, le nombre de trains-km dans les grandes villes. Partant de cette hypothèse, nous estimons le nombre de trains-km cumulés des SERM de 45 millions de trains-km à court terme et 90 millions à long terme.

Comment estimer le coût d’un train-km pour les services SERM ?

En 2022, selon les données de l’ART :

  • Les subventions totales versées par les Régions à SNCF Voyageurs étaient de 3,5 milliards d’euros.
  • Les recettes voyageurs associées au TER de l’ordre de 1,6 milliard d’euros.

Si l’on rapporte ces chiffres au nombre de trains-km, le coût de production d’un TER est de 26,46 €.

Cependant, on peut conjecturer qu’un coût de production d’un kilomètre de SERM sensiblement inférieur. En 2018, notre cabinet avait réalisé pour l’association TDIE un rapport sur le modèle économique des TER[7]. Ce rapport estimait l’importance de différentes catégories de dépenses au sein du coût total (voir Tableau). Quelles pourraient être les coûts associés à chacune de ces hypothèses dans le cas du SERM ?

Pour les redevances d’infrastructure, depuis 2024, la facturation de SNCF Réseau a fortement évolué. Alors qu’avant cette date la tarification était linéaire, elle est aujourd’hui composée d’une composante fixe (la redevance de marché, qui constitue environ 65 % du total) et d’une composante variable (la redevance de circulation, qui constitue environ 35 % du total). Les SERM étant des services supplémentaires, ils ne coûteront à la collectivité que les redevances de circulation.

Les redevances gares sont construites de façon à couvrir l’ensemble des coûts de SNCF Gares & Connexions[8]. En d’autres termes si le nombre de trains desservant les gares augmente sans que les coûts des gestions ce celles-ci augmentent — ce qui constitue une hypothèse tout à fait crédible pour les ERM, à tout le moins à court terme — la somme totale des redevances gares restera inchangé.

Pour le coût de capital associé au matériel roulant, deux situations doivent être distinguées. Une augmentation de l’offre peut être réalisée à court terme sans investir dans du matériel roulant, en ajoutant des dessertes supplémentaires dans les « creux de desserte » : tôt le matin, en journée (entre 10 h et 16 h) et en soirée (après 19 h). L’augmentation du nombre de trains dans le REME de Strasbourg repose d’ailleurs sur une augmentation de l’offre à moyens constants. Dans ce cas, le coût de capital associé au matériel roulant reste inchangé. En revanche, une augmentation de l’offre en période de pointe nécessite d’investir dans de nouvelles rames, d’un coût équivalent aux rames actuelles. Au contraire, pour les trains-km ajoutés à plus long terme, on peut imaginer que le coût de capital du matériel roulant équivaut à celui constaté dans un pays qui utilise mieux son matériel roulant l’Allemagne[9].

Pour le coût de personnel, on peut supposer qu’un service de type SERM permet des optimisations : l’organisation d’un service régulier facilite la construction de planning de conduite sans temps morts pour les conducteurs[10]. On suppose donc que le coût de conduite est réduit de 50 % à court terme et de 25 % à long terme.

Au contraire, la maintenance des trains pourrait être renchérie, car la mise en place d’un service régulier tout au long de la journée rend plus difficile la réalisation de l’ensemble des opérations de maintenance en journée. Néanmoins, on peut supposer que des économies d’échelles existent. En d’autres termes que le coût de maintenance associé à un train-km décroit quand le nombre de trains-km réalisés augmente. Nous supposons donc que le coût de maintenance reste inchangé.

Concernant la distribution, l’augmentation des coûts devrait être faible, car les coûts fixes sont majoritaires pour les outils de distribution. Seul l’achat de titre aux guichets engendrera des coûts supplémentaires. Nous estimons le coût de distribution imputable au SERM de l’ordre de 10 % du coût actuel.

Concernant le bénéfice conservé par l’opérateur, on peut supposer que du fait de l’ouverture à la concurrence celui-ci sera similaire à celui qui existe en Allemagne, selon notre étude (5,7 %).

Le coût de l’énergie devrait rester inchangé.

Les voyageurs prennent à leur charge une partie de ces coûts par l’achat de titre de transport. En 2022, selon les chiffres de l’ART, les voyageurs paient 32 % du coût total du service, les contributions publiques couvrent 68 % de celui-ci. Une réparation similaire existe dans le transport urbain. On peut donc utiliser cette clef pour estimer le coût du train-km de SERM pour la collectivité.

Cette série d’hypothèses nous conduit au résultat suivant :

  Proportion du coût total
(source : étude Trans-Missions)
Coût total À moyens
c
onstants
Avec augmentation du parc
Redevance d’infrastructure 17 % 4,46 € 1,56 € 1,56 €
Redevance Gare 12 % 3,11 € 0 € 0 €
Énergie 4 % 1,04 € 1,04 € 1,04 €
Coût de capital (matériel roulant) 15 % 3,84 € 0 € 1,71 €
Personnel 22 % 5,71 € 2,85 € 4,28 €
Maintenance 15 % 3,94 € 3,94 € 3,94 €
Distribution 6 % 1,66 € 0,17 € 0,17 €
Bénéfice 10 % 2,70 € 1,54 € 1,54 €
Coût total 100 % 26,46 € 11,10 € 14,24 €
Coût pour la collectivité 68 % 18,11 € 7,60 € 9,75 €

 

Pour vérifier la cohérence de nos estimations, on peut comparer notre résultat avec le coût du kilomètre supplémentaire payé par la Région Grand Est t l’Eurométropole de Strasbourg pour le REME. Le « Protocole REME ferroviaire Région Grand Est — Eurométropole de Strasbourg »[11] fournit celui-ci. Le coût d’un kilomètre de REME pour les collectivités est de 6,95 €. Ce résultat est conforme à notre ordre de grandeur à court terme.

Conclusion

Notre travail d’estimation permet de donner les ordres de grandeur suivants : le coût de fonctionnement total en France des services ferroviaires des SERM à court terme, à moyens constants serait d’environ 350 millions d’euros annuels. À long terme, une fois les moyens renforcés, ce coût se rapprocherait de 900 millions d’euros annuels.

A titre de comparaison, comme mentionné ci-dessus, le coût de fonctionnement des services TER en France est de 3,5 milliards d’euros annuels.

Le calcul théorique réalisé pour cet article de Trans-Missions n’est pas transposable à chaque projet SERM : une analyse au cas par cas est nécessaire, et avec un outil de modélisation de l’offre de service pour être plus précis.

 

[1] Services express régionaux métropolitains (SERM) https://www.ecologie.gouv.fr/services-express-regionaux-metropolitains-serm

[2] Le PDG de la SNCF demande 100 milliards sur 15 ans pour le ferroviaire, Les Échos, Lionel Steinmann https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/le-pdg-de-la-sncf-demande-100-milliards-sur-15-ans-pour-le-ferroviaire-1776562

[3] Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/COI_2022_Programmation_Synthese%20-%20def_0.pdf

[4] Organisé par le GART à Bordeaux le 13 mars dernier.

[5] L’Autorité de Régulation des Transports donne la définition suivante de cette unité « 1 train circulant sur 1 km ». Ainsi un train qui parcourt 100 km représente 100train.km, et 10 trains parcourant chacun 10 km font également 100 train.km.

[6] Toutes les données de l’ART cité dans cet article sont issues de la base de données ferroviaires disponibles sur leur site : https://www.autorite-transports.fr/observatoire-des-transports/marche-du-transport-ferroviaire/

[7]  Quel modèle économique pour les trains régionaux en France ? https://www.trans-missions.eu/quel-modele-economique-pour-le-ter-etude-citee-par-la-cour-des-comptes/ , page 8.

[8] C’est la Directive 2012/34 établissant un espace ferroviaire unique européen qui impose une tarification des installations de service permettant de couvrir le coût total.

[9] Dans le rapport « Quel modèle économique pour les trains régionaux en France ? » on constate que le coût de capital du matériel roulant en Allemagne représente 89 % du même coût en France.

[10] Pour une illustration de l’impact du cadencement sur le temps de conduite effectif des agents sur une journée de service, voir « Quel avenir pour les petites lignes ferroviaires » diapositive 25 https://www.cerema.fr/system/files/documents/2021/12/le_ferroviaire_au_cerema_-_2021.pdf

[11]Protocole REME ferroviaire Région grand est — Eurométropole de Strasbourg, page 4 https://grandest-webdelib.digitechcloud.fr/webdelib/files/unzip//seance_215175/28_2021-12-24_Protocole_REME_VDef.pdf

Auteur

PPE_2024

Patricia Pérennes

Date

17 mai 2024

Catégorie(s)

Articles parus

Thématique(s)