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SERM de Lille : un projet centré sur l’infrastructure
Image : SERM Lille, Deposit Photos.
Gare de Lille Flandres. Le coût élevé du projet du SERM de Lille s’explique notamment par la construction d’une troisième gare à Lille, du fait de la saturation de Lille Flandres.
La volonté de l’État : des SERM « frugaux » en matière d’investissement
En janvier 2023, le Conseil d’Orientation des Infrastructures indique – dans son rapport sur l’investissement dans les infrastructures de transport française – qu’un Service Express Régional Métropolitain (SERM) est « d’abord un projet d’organisation des services et de choc d’offre avant d’être un projet d’infrastructure ».
Cette précision est importante. Elle indique que les SERM doivent reposer avant tout sur les infrastructures ferroviaires existantes. En creux, elle implique qu’un SERM ne doit pas nécessiter de forts investissements, à la différence d’un projet de ligne à grande vitesse par exemple.
Cette approche « frugale en investissement » des projets de SERM est également au cœur de la démarche proposée par le précédent gouvernement. Ainsi, le différencie trois horizons dans la réalisation d’un SERM :
- À court terme, la mise en place d’autocars express ;
- À moyen terme, le renforcement de l’offre ferroviaire existante avec des investissements dans l’infrastructure « d’ampleur limitée » ;
- À long terme « sur certains territoires, la réalisation d’infrastructures ferroviaires neuves ».
En d’autres termes, dans la vision du gouvernement, un SERM ne peut pas reposer au préalable sur de forts investissements. Néanmoins, tous les projets de SERM ne répondent pas à cet idéal de mise en service rapide et sans investissement important. C’est particulièrement le cas du projet de Lille, dont la clef de voute est un investissement colossal sur l’infrastructure.
Un projet ancien avec l’ambition de doubler l’offre ferroviaire sur l’Étoile lilloise
L’actuel projet de SERM Lillois s’inscrit dans la continuité du projet de « Réseau Express Grand Lille » rendu public dès janvier 2010 par le président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie Daniel Percheron. Il avait pour objectif de désaturer l’entrée de Lille par l’A1 grâce à la construction d’une ligne entre Lille et Hénin, permettant de relier les deux villes en 17 minutes. Ce projet a fait l’objet d’un débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public en juillet 2015.
Les fondamentaux du projet de réseau express sont repris dans l’actuel projet de SERM. L’objectif annoncé par SNCF Réseau dans le cadre des récentes discussions sur le projet de SERM est de doubler la fréquence des trains aux heures de pointe d’ici 2035-2040, avec un train toutes les 10 minutes reliant Lille aux villes environnantes Hazebrouck, Lens, Valenciennes, Douai et Béthune.
Image : Projet de SERM de la métropole de Lille, disponible sur le site de la Métropole
Un besoin fort d’investissement dans l’infrastructure pour réaliser cette ambition
La réalisation de ce « choc d’offre » nécessite un investissement massif dans l’infrastructure.
Il s’agit en premier lieu de réaliser une ligne à deux voies de 37 kilomètres entre Lille et Hénin-Beaumont. Ce nouveau « tracé » permettant de desservir un bassin de population de 1,2 million d’habitants. Face à la saturation de la gare Lille-Flandres, le projet comprend également la construction d’une troisième gare souterraine sous le parc Matisse, à 35 mètres de profondeur. Son coût est estimé à 2 milliards d’euros, pour accueillir 16 millions de voyageurs par an. Une autre gare souterraine est prévue sous l’aéroport de Lesquin, reliant l’aéroport au centre-ville en 9 minutes et améliorant les connexions vers Valenciennes et d’autres régions. Enfin, pour traverser la métropole, 17 kilomètres de tunnels ferroviaires doivent également être creusés.
Ces forts investissements dans l’infrastructure font du projet lillois un SERM hors norme au coût estimé entre 7 et 12 milliards d’euros. Parmi les autres projets en France, seuls les élus de la métropole de Lyon ont annoncé des montants comparables. Pour des agglomérations de taille équivalente, les investissements, et donc le coût total des projets, sont bien plus modestes : Strasbourg (500 millions d’euros), Bordeaux (700 millions d’euros), Toulouse (2 à 3 milliards d’euros), et Nantes (700 millions d’euros).
Conclusion : un financement restant à boucler
Le financement de ce projet est donc un défi majeur. Imaginé plus de 10 ans avant les annonces du président de la République sur le développement de RER métropolitain et la promulgation de la loi Zulesi, il a marqué son époque.
Très récemment, le ministre des Transports Patrice Vergriete a vivement critiqué le coût élevé du projet : « 7 milliards, c’est trop ! » appelant les élus à revoir leur copie, notamment en identifiant différentes phases pour le projet, pour espérer un financement de l’État.
Pensé avant tout comme un projet d’infrastructure, le SERM Lillois pourra-t-il trouver sa place dans le cadre actuel, financièrement contraint, qui repose au contraire sur une frugalité en matière de construction de nouvelles infrastructures ?